Comprendre les conduites à risque : spécificités et enjeux

En France, selon l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT), près de 1 adolescent sur 2 a expérimenté l’alcool avant 15 ans, et 31% des jeunes de 17 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis en 2022. Mais les conduites à risque dépassent le cadre des substances : comportement routier dangereux, défis sur les réseaux sociaux, troubles alimentaires, jeux d’argent… Les occasions sont multiples et résonnent avec l’envie d’autonomie et de reconnaissance propre à l’adolescence (OFDT).

  • Conduites auto-expérimentales : essayer une substance, un jeu, un pari.
  • Conduites de groupe : défis, pressions des pairs, « rites » de passage.
  • Conduites répétées : usage régulier lié à un mal-être, une difficulté à faire face au stress.

Selon l’Inserm, 15 à 20% des adolescents développent un trouble de l’usage ou des comportements potentiellement problématiques. Ces chiffres rappellent que, même si une majorité des expériences restent ponctuelles, un accompagnement précoce permet d’éviter l’installation de situations plus préoccupantes (Inserm).

Détecter les signaux d’alerte sans tomber dans la surveillance excessive

Les changements d’attitude à l’adolescence sont souvent déconcertants pour l’entourage. Il s’agit de distinguer entre ce qui relève du développement normal et ce qui doit amener à s’interroger.

  • Isolement inhabituel ou repli sur soi.
  • Baisse brutale des résultats scolaires.
  • Changement dans les cercles d’amis, rupture avec les activités appréciées.
  • Variations d’humeur marquées, irritabilité ou apathie persistantes.
  • Disparition d’objets ou d’argent, achats inexpliqués.
  • Traces physiques (yeux rouges, odeurs inhabituelles, blessures, etc.).

Face à ces signaux, il importe d’ouvrir le dialogue sans céder à la tentation du contrôle permanent ou du soupçon systématique. Les études montrent que la confiance et la qualité de la relation protègent davantage que la surveillance intrusive (Source : IREPS Bretagne).

S’informer et s’outiller : la famille, premier acteur de prévention

Nul besoin d'être expert pour prévenir : il s’agit plutôt d’être attentif, de se former, d’oser poser des questions, d’anticiper certaines situations et de chercher de l’aide si nécessaire. Plusieurs ressources sont à la disposition des familles :

  • Sites d’information validés par des professionnels, tels que Drogues Info Service ou Alcool Info Service.
  • Numéros d’écoute, comme Fil Santé Jeunes (0800 235 236) ou Écoute Cannabis (0 980 980 940).
  • Documents pédagogiques à destination des parents, tels que le guide « Prévenir les addictions dès l’enfance » (Addictions France).

En Normandie, le réseau Appui Addictions propose des rencontres et de la documentation pour les proches.

Le dialogue au cœur de la prévention : savoir écouter, savoir parler

Le mythe selon lequel “parler des risques incitera les jeunes à expérimenter” ne repose sur aucune donnée scientifique sérieuse. Au contraire, les études démontrent que l’information et le dialogue réduisent la probabilité de comportements dangereux (OFDT, 2021). Les familles jouent un rôle essentiel en ouvrant un espace de parole libre et sans jugement.

Quelques conseils pour aborder la discussion :
  • Choisir un moment propice, loin des tensions et sollicitations extérieures.
  • Partir de son vécu ou d’une actualité, plutôt que de pointer du doigt (« J’ai lu que... »).
  • Écouter sans interrompre ; laisser le jeune exprimer ses ressentis, ses raisons.
  • Faire part de ses inquiétudes en “je” (exemple : « Je m’inquiète de te voir... »).
  • Fixer ensemble des limites, expliquer les règles et leurs raisons.
  • Valoriser les initiatives positives.
  • Accepter d’entendre des choses difficiles ; revenir plus tard si la discussion s’enlise.

Lorsqu’un climat de confiance est installé, la majorité des jeunes acceptent d’évoquer leurs expériences. Selon l’enquête annuelle de Santé Publique France (« Baromètre Santé 2021 »), plus de 60% des adolescents préfèrent s’adresser à un adulte de leur famille en premier lieu en cas de problème (Santé Publique France).

Fixer un cadre sans être rigide : les règles qui protègent

Les familles hésitent parfois à poser des interdits ou à fixer des règles claires, par crainte de braquer ou de couper la communication. Or, l’ensemble des travaux sur la prévention – qu’il s’agisse d’alcool, de tabac ou du numérique – met en avant l’importance de la structuration et du dialogue associé aux limites (Inserm, 2021).

Exemples de règles qui favorisent la prévention :
  • Interdiction de consommer de l’alcool ou du tabac à la maison pour les mineurs.
  • Horaires définis pour les sorties, dont les modalités sont négociées en amont.
  • Règles claires sur l’utilisation des écrans la nuit.
  • Utilisation du téléphone familial pour prévenir en cas de souci lors d’une soirée.

Ce cadre protège, mais il doit rester souple : revenir sur certaines exigences au fil du temps est normal. L’essentiel est de faire évoluer les règles “avec” le jeune, et non “contre” lui.

Soutenir l'estime de soi et les compétences psycho-sociales

L’un des meilleurs remparts aux conduites à risque reste le développement de l’estime de soi et des compétences psycho-sociales chez les jeunes. Plusieurs études internationales ont démontré que les adolescents capables d’affirmer leurs choix, de demander de l’aide, de résister aux pressions de groupe et de verbaliser leurs émotions, sont moins enclins aux conduites à risque chroniques (OMS).

  • Encourager la prise d’initiatives scolaires, sportives ou culturelles.
  • Féliciter les efforts, pas seulement les résultats.
  • Aider à relativiser les échecs et à trouver des solutions.
  • Valoriser l’entraide et la solidarité dans la fratrie ou le cercle familial.

La Fondation FondaMental rappelle que le soutien familial est l’un des principaux facteurs de résilience face au risque de troubles addictifs à l’âge adulte (Fondation FondaMental).

Faire face aux situations préoccupantes : réagir, accompagner, orienter

Malgré tous les efforts, il arrive que la situation se complique : consommation régulière, comportements dangereux répétés, troubles du sommeil ou de l’alimentation, repli important. Il n’est alors ni question de culpabiliser ni de rester seul.

Étapes à retenir :
  1. Parler à un professionnel : médecin traitant, infirmier scolaire, psychologue, éducateur.
  2. Évaluer ensemble la situation : fréquence, contexte, difficultés associées.
  3. Contacter les structures locales d’accompagnement : Points Accueil Écoute Jeunes (PAEJ), Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), associations spécialisées.
  4. Proposer un accompagnement adapté, sans forcer, en laissant le choix au jeune autant que possible.

Sachez que de nombreux parents traversent ces questionnements et qu’il existe des groupes de parole, notamment animés par les fédérations Addictions France ou UNAFAM pour les situations de santé mentale associée.

Aider sans s’épuiser : prendre soin de soi en tant que parent ou proche

Accompagner un jeune qui traverse une phase difficile peut être éprouvant. Le sentiment d’impuissance ou de culpabilité est souvent présent. Prendre soin de soi, échanger avec d’autres familles, s’octroyer des moments de répit et accepter de demander du soutien sont essentiels pour tenir sur la durée.

  • Prendre conseil auprès des professionnels de proximité.
  • Avoir confiance dans les démarches engagées, même si le changement demande du temps.
  • Multiplier les moments partagés en famille, en dehors du contexte du problème.

L’accompagnement familial est une aventure qui se joue sur la durée, entre tâtonnements et petites victoires.

Ressources régionales et nationales pour aller plus loin

Nom Type Lien
Drogues Info Service Information / Écoute Lien
Alcool Info Service Information / Écoute Lien
Appui Addictions Normandie Accompagnement / Formation Lien
Guide Addictions France « Prévenir en famille » Outil parental Lien
Fil Santé Jeunes Écoute jeunes et familles Lien

Pour une famille actrice et soutenante

Les conduites à risque inquiètent, posent des défis mais constituent aussi des occasions de dialogue, d’éducation et de rapprochement. Travailler l’écoute, la confiance et l’apport d’informations fiables, tout en s’appuyant sur les ressources du territoire, permet aux familles de ne pas rester démunies. Être acteur, c’est parfois simplement maintenir le lien coûte que coûte, garder ouverts les canaux de discussion et s’autoriser à chercher du soutien lorsqu’on en ressent le besoin. Les démarches de prévention parentale, loin d’être idéales ou parfaites, sont avant tout humaines, progressives et ajustées à chaque histoire familiale.

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