Des routes partagées… et des risques bien réels

Chaque trajet est une prise de responsabilité : la route rassemble étudiants, familles, travailleurs, personnes âgées… Or, ce que les chiffres rappellent, c’est que la consommation d'alcool, de drogues ou de certains médicaments pèse lourd dans la balance du risque routier.

En France, selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), l’alcool est en cause dans environ 30% des accidents mortels sur les routes en 2022. Le cannabis, quant à lui, intervient dans environ 22% des accidents mortels, souvent en association à l'alcool (Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives, OFDT, rapport 2023).

Pourquoi ces substances sont-elles si dangereuses pour la conduite ? Comment agissent-elles concrètement sur notre cerveau et notre corps ? Quelles situations spécifiques retrouvent-on sur le terrain ? Derrière les idées reçues, il y a des mécanismes précis, que cet article vous propose d'explorer.

Qu’est-ce qu’une substance psychoactive et pourquoi c’est différent au volant ?

Une substance psychoactive modifie l’activité cérébrale, impactant ainsi les émotions, la vigilance, le temps de réaction, la perception… Parmi les principales substances concernées par le risque routier :

  • L’alcool
  • Le cannabis
  • Les médicaments psychotropes (anxiolytiques, somnifères, antidouleurs morphiniques, certains antihistaminiques…)
  • D’autres drogues illicites (cocaïne, ecstasy, amphétamines…)

Ce qui rend ces substances incompatibles avec une conduite sécurisée, c’est leur action simultanée sur plusieurs fonctions clés indispensables à la maîtrise d’un véhicule.

Les effets concrets sur la conduite : cerveau, corps et perception à l’épreuve

L’alcool : quand la vigilance s'effrite dès le premier verre

Boire, même un seul verre, a des effets mesurables. L’alcool altère :

  • La concentration : l’attention au volant diminue, l’environnement est mal analysé
  • Le temps de réaction : en moyenne, le délai de réaction double à 0,5 g/L d’alcool dans le sang
  • La coordination motrice : gestion de la trajectoire, maintien sur la voie deviennent incertains
  • L’appréciation des distances et des vitesses : surestimation de ses capacités, sous-estimation des dangers

À partir de 0,5g/L (le seuil légal), le risque d’accident mortel est multiplié par 2. À 0,8g/L, il est multiplié par 10 (source : Sécurité routière 2023).

Cannabis : fausse sensation de contrôle, vrais réflexes en moins

Le cannabis agit différemment mais n’est pas moins dangereux. Il cause :

  • Diminution de la coordination motrice : tenue de trajectoire incertaine, risques de sorties de route
  • Ralentissement marqué des temps de réaction : freiner à temps devient plus difficile, en particulier en cas d’imprévu
  • Altération légère des capacités à percevoir la vitesse et les distances
  • Moins d’inhibition: plus de prise de risques, moins de respect du code

Croire que le cannabis “rend prudent” est une idée reçue : la majorité des études montre que ses effets persistent plusieurs heures, même après la disparition de la sensation de “planage” (Source : OFDT, Inserm, rapport 2023).

Médicaments : danger discret mais bien réel

Certains traitements, même prescrits, ont des effets secondaires souvent méconnus des usagers :

  • Diminution de la vigilance (notamment avec les benzodiazépines, codéine…)
  • Somnolence diurne, confusion
  • Troubles de la vision (vue trouble, éblouissement)

En France, près de 3 personnes sur 10 tuées sur la route avaient consommé des médicaments présentant un pictogramme “danger” pour la conduite (source : Agence nationale de sécurité du médicament, bilan 2022).

Combinaisons : des effets multiplicateurs préoccupants

Associer plusieurs substances (alcool + cannabis, médicaments + alcool…) entraîne une multiplication des risques. L'effet n’est pas simplement additionné, mais amplifié. Par exemple, consommer simultanément alcool et cannabis multiplie par 14 le risque d'accident grave (Source : OFDT, 2022).

Derrière les chiffres, des vies bouleversées

Au-delà des grandes statistiques, chaque accident implique des drames personnels. Selon l’ONISR, en 2022 :

  • Près de 1 000 vies ont été perdues en France à cause de l’alcool au volant.
  • Entre 700 et 900 décès sont directement liés à la consommation de stupéfiants (principalement le cannabis).
  • 28% des personnes impliquées dans un accident meurtrier en Normandie avaient un taux d’alcoolémie positif (source : Préfecture de Normandie, 2023).

La région Normandie, traversée par de nombreux axes à grande vitesse et des territoires ruraux peu desservis par les transports collectifs, est particulièrement exposée à ce type de risque.

Perceptions erronées et fausses sécurités : pourquoi le risque est souvent minimisé ?

Beaucoup de conducteurs sous-estiment la perte de capacité induite par l’alcool et les drogues, pour plusieurs raisons :

  • L’habitude et l’“impression de contrôle” : certains estiment être “habitués” à boire ou consommer et pensent mieux gérer leur véhicule.
  • L’effet tardif : le pic d’action de certaines substances (notamment les médicaments psychotropes) intervient plusieurs heures après la prise.
  • La méconnaissance des interactions : beaucoup ignorent que médicaments courants (antidouleurs à base de codéine, antihistaminiques) peuvent accroitre le risque, surtout s’ils sont combinés à l’alcool.

Quelques mythes tenaces :

  • “Un café, une douche froide, et c’est reparti.” Faux : ces méthodes n’éliminent pas une goutte d’alcool ou de drogue du corps.
  • “Je me sens en forme, donc je peux conduire.” L’état subjectif ne reflète pas toujours la dangerosité réelle.

Des profils à risque et des contextes aggravants

Certains profils et situations multiplient le risque :

  • Jeunes conducteurs : moins d’expérience, seuil légal d’alcoolémie à 0,2g/L, mais plus exposés aux expérimentations
  • Conduite nocturne : fatigue, faible visibilité, effets renforcés des substances
  • Réseaux routiers secondaires : nombreux accidents en rase campagne, avec délais d’intervention plus longs
  • Contexte festif ou social : pression du groupe, minimisation du risque “pour rentrer chez soi”

Le week-end, le risque est ainsi démultiplié : selon l’ONISR, la part des accidents mortels impliquant l’alcool grimpe à près de 50% la nuit du samedi au dimanche.

Sanctions et prévention : deux volets indissociables

Que dit la loi ?

En France, la réglementation est stricte sur la question :

  • Seuil d’alcoolémie de 0,5g/L (0,2g/L pour jeunes conducteurs)
  • Tolérance zéro pour la consommation de stupéfiants
  • Pictogrammes “danger” sur les médicaments à risque

Les sanctions vont de l’amende au retrait de points, jusqu’à l’emprisonnement et la suspension du permis, sans parler de la mise en cause de la responsabilité civile ou pénale en cas d’accident.

Prévenir : quels leviers ?

  • Sensibiliser, et régulièrement : campagnes, interventions scolaires, formations en entreprises
  • Faciliter le recours à des alternatives : “capitaine de soirée”, transports collectifs nocturnes, solutions de covoiturage...
  • Accompagner les personnes sous traitement médicamenteux : pharmacies, médecins, information sur les pictogrammes
  • Multiplier les contrôles ciblés pour inciter à des changements de comportement
  • Soutenir, sans juger, les personnes ayant des conduites à risque : réseau d’accompagnement local, dispositifs d’aide

En Normandie, les acteurs de la prévention (associations, collectivités, secteur éducatif et sanitaire) multiplient les initiatives : stands de dépistage, interventions dans les lycées, dispositifs de transport en sortie de boîte, etc.

Aider, comprendre, agir ensemble

La consommation de substances et la sécurité routière sont un enjeu de société. Ce n’est pas une question de morale, mais de santé et de solidarité. Si les chiffres restent préoccupants, c’est probablement parce que le risque paraît toujours “abstrait”... jusqu’au jour où il bouleverse une famille, un groupe d’amis, une communauté.

Informer, dialoguer, proposer des alternatives, aider à sortir de l’isolement : la prévention trouve sa place partout, y compris derrière le volant.

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