Définitions : que recouvrent les conduites à risque ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, précisons ce dont il s’agit. Les conduites à risque désignent des comportements susceptibles d’entraîner, à court ou long terme, des conséquences dommageables pour la santé. Ces pratiques sont parfois adoptées pour diverses raisons (quête de sensations, pression sociale, gestion du stress), mais possèdent un point commun : elles exposent l’individu à des dangers évitables.

  • Consommation de substances : tabac, alcool, cannabis, cocaïne, médicaments détournés, etc.
  • Comportements alimentaires : troubles du comportement alimentaire, régimes extrêmes, jeûnes répétés.
  • Pratiques à risque physique : conduite sans ceinture, conduite sous influence, sports extrêmes sans protection.
  • Comportements sexuels à risque : rapports non protégés, multiplicité des partenaires sans dépistage.

Dans le champ de la santé, ces pratiques sont responsables d’une part significative de la morbidité et de la mortalité évitables en France (Santé Publique France).

Tabac et vapeurs toxiques : attaques multiples sur le corps

Le tabac demeure aujourd’hui la première cause évitable de mortalité en France : plus de 75 000 décès lui sont imputables chaque année (Santé Publique France, 2023). Sa toxicité s’étend à travers de multiples voies :

  • Appareil respiratoire : Du fait de l’inhalation de substances cancérigènes, la bronchite chronique, l'emphysème et le cancer du poumon sont les trois pathologies les plus fréquemment associées au tabac. À 50 ans, un fumeur a un risque multiplié par 20 d’avoir un cancer du poumon par rapport à un non-fumeur (INCa).
  • Appareil cardio-vasculaire : La nicotine provoque une augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Fumer multiplie par 2 à 4 le risque d’infarctus du myocarde, même chez les moins de 40 ans (Fondation contre le cancer).
  • Peau, yeux, dents : Le vieillissement cutané prématuré est visible dès 10 ans de tabagisme. Les risques de cataracte et de perte dentaire augmentent aussi nettement.

Le « vapotage » (cigarette électronique) est souvent considéré comme une alternative. Si moins nocif que le tabac pour l’instant selon les études, il n'est pas dénué d’effets délétères, notamment chez les adolescents (risque de dépendance à la nicotine, troubles respiratoires émergents – ANSES).

Alcool : un organe, mille menaces

Consommé de manière excessive ou répétée, l’alcool nuit à l’ensemble de l’organisme. Dépasser les seuils repères (maximum 10 verres par semaine, selon Santé Publique France) multiplie les risques :

  • Foie : L’alcool est la cause directe de la cirrhose (plus de 90 % des cas), et l’un des principaux facteurs de cancers hépatocellulaires (liver cancer). En France, 8 à 10 % des hommes présentent déjà une maladie du foie liée à l’alcool après 20 à 30 ans de consommation importante.
  • Cerveau et système nerveux : Outre la dépendance, l’alcool cause des troubles cognitifs, des troubles de l’humeur, des risques de démence précoce et de neuropathies (atteintes nerveuses).
  • Appareil digestif : L’alcool augmente les risques d’ulcères, de cancers de l’œsophage, du pancréas et du côlon : l’Institut national du cancer estime qu’un cancer sur quinze en France est lié à la consommation d’alcool.
  • Appareil cardio-vasculaire : L’effet protecteur, longtemps mis en avant dans certains discours, relève davantage du mythe au regard des données : dès le premier verre, le risque d’hypertension et d’irrégularités du rythme cardiaque augmente (INSERM).

Le binge drinking, ou consommation massive en une courte période, expose à des comas éthyliques et à une surmortalité accidentelle chez les jeunes (INPES).

Drogues illicites : effets délétères et parfois irréversibles

Au-delà du tabac et de l’alcool, d’autres substances comportent des risques propres. Les drogues illicites (cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy…) agissent sur le cerveau mais détériorent aussi plusieurs organes :

  • Cannabis : Des bronchites chroniques, des troubles de la mémoire ou de la concentration, une réduction de la motivation… Le cannabis, loin d’être anodin, augmente également le risque d’accident de la route (multiplié par 2 selon l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies).
  • Cocaïne et stimulants : Troubles cardiaques (infarctus, arythmies), convulsions, perforations nasales, accidents vasculaires cérébraux chez des jeunes adultes.
  • Opiacés (héroïne, morphine…) : Risque vital en cas d’overdose (plus de 500 morts par overdose d’opiacés recensées en France chaque année, souvent chez des usagers isolés – OFDT 2022). Complications infectieuses, notamment en cas d’injection (abcès, hépatite C, VIH).

Comportements alimentaires à risque : le corps sous pression

Le rapport à l’alimentation influe fortement sur la santé physique, tout particulièrement lorsqu’il dévie vers des conduites à risque. Les troubles alimentaires (anorexie mentale, boulimie, hyperphagie, régimes restrictifs à répétition) sont loin d’être une préoccupation superficielle :

  • Anorexie mentale : Avec un taux de mortalité estimé entre 5% et 10% à 10 ans du diagnostic (HAS), c’est l’un des troubles psychiatriques les plus mortels. Risques : arrêts cardiaques, ostéoporose, carences sévères, infertilité.
  • Boulimie/hyperphagie boulimique : Elles favorisent le diabète de type 2, l’hypertension artérielle et l’augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral.
  • Régimes restrictifs intenses : Les variants extrêmes de jeûne ou de « detox » peuvent entraîner des défaillances hépatiques ou rénales, des troubles du rythme cardiaque, des chutes de tension, voire des comas.

Pratiques physiques extrêmes et comportements à risque dans le sport

La frontière entre bien-être et danger est parfois artificielle. L’activité physique agit globalement comme facteur protecteur, sauf lorsqu’elle prend la forme de pratiques à risque :

  • Sports extrêmes sans protection adéquate : Chutes, traumatismes crâniens, fractures, lésions nerveuses (ex : paraplégie après une mauvaise réception). Les sports de glisse ou de montagne occasionnent en France chaque année plus de 100 000 accidents.
  • Dopage : Injections de stéroïdes anabolisants chez certains sportifs amateurs et professionnels exposent à des maladies cardio-vasculaires graves avant 40 ans (thromboses, infarctus), des troubles hépatiques, des problèmes d’agressivité et de dépendance.
  • Hyperactivité physique : Certains développent un « syndrome de surentraînement » associé à des troubles hormonaux, des chutes de l’immunité, des fractures de fatigue voire des troubles du rythme cardiaque.

Conduites à risque sur la route : accidents et séquelles corporelles

Les comportements à risque au volant sont un fléau évitable, premier facteur d’accidents mortels chez les moins de 25 ans (Sécurité routière). Chaque année en France :

  • Près de 3 200 personnes meurent sur la route.
  • Plus de 60 000 personnes subissent des séquelles lourdes (traumatismes crâniens, paraplégies, amputations).
  • L’alcool et la drogue sont impliqués dans 1 accident mortel sur 3 environ.
  • Excès de vitesse, téléphone au volant, absence de ceinture ou d’équipement pour deux-roues sont aussi des facteurs majeurs, souvent associés entre eux.

Les traumatismes liés à ces accidents marquent durablement les victimes : handicap durable, réadaptation longue, douleurs chroniques, troubles du sommeil ou du stress post-traumatique qui viennent s’ajouter aux répercussions physiques.

Pratiques sexuelles à risque : effets physiques inattendus

Les pratiques sexuelles non protégées, la multiplicité des partenaires sans dépistage, ou l’absence de vaccination contre certaines infections (hépatite B, papillomavirus) exposent à différents risques physiques :

  • Infections sexuellement transmissibles (IST) : Le nombre de gonococcies et de syphilis a doublé entre 2012 et 2022 en France. Si le VIH est systématiquement évoqué (près de 6 000 nouveaux cas par an), il ne faut pas oublier l’herpès, le papillomavirus (première cause de cancer du col de l’utérus) et les hépatites.
  • Séquelles à long terme : Certaines IST non traitées entraînent stérilité, douleurs pelviennes, risques sur la grossesse, et augmentent la vulnérabilité à d’autres infections.
  • Grossesses non désirées et IVG répétées : Leur fréquence a des conséquences physiques et psychiques à ne pas négliger.

D'autres conséquences physiques moins visibles, mais bien réelles

Les conduites à risque ne se limitent pas à des maladies connues du grand public. Elles contribuent aussi, parfois de façon insidieuse ou différée, à :

  • Un affaiblissement du système immunitaire (augmentation du risque d’infections banales, guérison plus lente des plaies chez les usagers de substances addictives)
  • Un vieillissement prématuré des cellules et des organes
  • Des troubles du sommeil durables, accentuant la vulnérabilité physique
  • Des difficultés de récupération en cas de maladie ou d’accident

À l’échelle collective, ces conséquences entraînent une diminution de la qualité de vie, un allongement des durées d’hospitalisation et un coût majeur pour le système de santé (plus de 20 % des dépenses de santé en France relèvent directement ou indirectement de la gestion des conséquences de ces pratiques, selon l’Assurance Maladie).

Le rôle central de la prévention et de l’accompagnement

Informer reste le premier levier pour prévenir les conduites à risque et limiter leurs conséquences physiques. L’efficacité des actions dépend de leur adaptation aux publics, du travail en réseau avec les professionnels (médecins, éducateurs, associations) et de la valorisation des alternatives positives. Les approches récentes privilégient la réduction des risques et la responsabilisation sans stigmatisation.

Si la plupart des conduites à risque trouvent leur origine dans des mécanismes complexes, les trajectoires ne sont jamais irréversibles. De nombreux effets physiques sont partiellement ou totalement réversibles après l’arrêt ou la modification du comportement à risque : arrêt du tabac, reprise d’une alimentation équilibrée, accompagnement en addictologie, usage du préservatif ou dépistage régulier.

Pour aller plus loin : replacer la santé globale au centre

Les conduites à risque engagent le corps bien au-delà de l’instant. Bien souvent, leurs effets physiques tissent, parfois à bas bruit, une toile de complications qui concernent tous les âges et toutes les catégories sociales. Approcher ce sujet par la connaissance factuelle, c’est prendre soin aussi bien de soi que des autres. La prévention, loin d’être une injonction, peut alors devenir une ressource, un appui pour des choix éclairés et respectueux de chacun(e).

Pour explorer davantage ce sujet et s'informer sur les accompagnements en Normandie : Addictions France, HAS, Santé Publique France.

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