Des difficultés spécifiques à chaque étape
L’évaluation : le diagnostic, première marche parfois bancale
Repérer une polyaddiction ne va pas de soi. D’abord parce que la personne ne parle pas forcément de tous ses usages – par pudeur, par peur du regard, ou parce qu’elle n’identifie elle-même qu’un « problème majeur ». Ensuite, parce que les questionnaires utilisés en consultation se focalisent souvent sur une seule substance.
- Le score AUDIT repère l’alcool ;
- Le Fagerström concerne le tabac ;
- Le CAST cible le cannabis ; etc.
Seuls certains outils récents, comme l’ODUA (Outil de Dépistage Universel des Addictions), proposent une approche plus transversale, mais ils restent trop peu utilisés.
L’accès au soin : plus d’obstacles et de freins
Les personnes concernées par la polyaddiction sont souvent confrontées à une accumulation de freins :
- Multiplication des rendez-vous et interlocuteurs : alcoologue, tabacologue, psychologue, assistante sociale…
- Sentiment de stigmatisation renforcé : « encore un problème », « je cumule les échecs », etc.
- Complexité administrative : renouvellement des ordonnances, suivi social, accès aux soins spécialisés, etc.
- Isolement accru : plus la polyconsommation s’installe, plus l’environnement social se dégrade (rupture familiale ou professionnelle, perte de logement, etc.).
Selon une étude menée par l’UCL (2021), 22 % des patients polyaddicts abandonnent leur suivi la première année, contre 11 % pour les addicts à une seule substance.
La prise en charge : une adaptation permanente
Soigner une polyaddiction suppose d’agir sur plusieurs fronts en même temps : réduction des consommations, accompagnement psychologique, soutien social, parfois orientation vers la psychiatrie. Les protocoles standards montrent rapidement leurs limites :
- Un traitement de substitution pour opiacés pourra déstabiliser la consommation d’alcool ou de médicaments ;
- Le travail motivationnel peut tirer sur des leviers contradictoires d’une addiction à l’autre ;
- Chaque rechute est plus difficile à interpréter et à accompagner : où « agir » ? Prioriser l’un des usages ? Travailler sur tous ?
Les équipes spécialisées sont obligées de réévaluer en permanence leur stratégie. La coopération avec la psychiatrie est capitale pour prévenir et traiter des troubles associés, fréquents dans la polyaddiction.