Ce qui distingue une addiction comportementale

On parle d’addiction comportementale lorsqu’un comportement normalement anodin devient central, envahissant au point que la personne ne parvient plus à s’en passer, malgré les conséquences négatives. Ces addictions ne reposent pas sur la prise de produit, mais sur une activité qui déclenche une gratification, un « shoot » de plaisir ou de soulagement. Selon l’Observatoire Français des Drogues et Tendances addictives (OFDT), elles partagent des points communs psychologiques avec les addictions classiques : perte de contrôle, envie irrépressible, poursuite malgré les dommages, préoccupation constante (OFDT).

Contrairement à une passion, l’addiction s’installe dans la répétition, la perte de liberté, et les répercussions négatives sur la vie sociale, professionnelle ou scolaire. Distinguer le plaisir d'une dépendance est donc essentiel pour agir.

Pourquoi les jeux d’argent en ligne entraînent-ils souvent une dépendance ?

L’explosion des plateformes de jeux d’argent en ligne (paris, poker, casinos virtuels) a rendu ces pratiques accessibles 24h/24, parfois sans contrôle parental. Ces jeux s’appuient sur des mécanismes psychologiques puissants :

  • Renforcement intermittent : Les gains sont aléatoires et imprévisibles, ce qui incite à rejouer sans cesse, dans l’espoir de “tomber” sur le bon tirage.
  • Illusion de contrôle : Les joueurs croient pouvoir influencer le hasard, accentuant la difficulté de décrocher.
  • Isolement et discrétion : Les jeux en ligne se pratiquent souvent seul, ce qui retarde l’alerte des proches.

Selon l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux), environ 1,4 million de personnes jouent de manière excessive ou problématique en France, avec un sur-risque d’addiction chez les 18-25 ans (ANJ 2023). Les difficultés financières, l’augmentation du temps passé à jouer et la dissimulation des pertes sont des signaux majeurs à surveiller.

L’addiction aux écrans chez les adolescents : comment la repérer ?

Les écrans font désormais partie du quotidien des adolescents : jeux vidéo, séries, réseaux sociaux… Dans certains cas, l’usage peut prendre le pas sur toute autre activité et impacter la santé, la scolarité, le sommeil ou la vie familiale.

  • Temps passé excessif au détriment des repas, du sommeil et des échanges réels.
  • Irritabilité, colère ou anxiété quand l’accès à l’écran est limité.
  • Baisse des résultats scolaires, désintérêt pour d’autres loisirs.
  • Isolement social, conflits familiaux.

Selon Santé publique France, près de 18% des 15-19 ans présentent un usage problématique des écrans en 2022 (Santé publique France). Cette tendance est accentuée par la multiplication des applications conçues pour fidéliser l’attention et générer des notifications constantes.

L’achat compulsif : de la simple envie au besoin irrépressible

L’achat compulsif, parfois appelé « oniomanie », concerne environ 5% de la population adulte, avec une majorité de femmes parmi les personnes concernées (Inserm). Ce comportement se traduit par :

  • Un besoin impérieux d’acheter, souvent déclenché par des émotions négatives (anxiété, tristesse, ennui).
  • Un soulagement bref suivi de regrets, de culpabilité ou de dettes.
  • L’accumulation d’objets inutiles, l’incapacité à maîtriser ses achats malgré les conséquences.

Il ne s’agit plus d’une envie ponctuelle de shopping, mais d’un comportement cyclique, difficile à contrôler, parfois associé à des troubles de l’humeur ou de l’anxiété (Inserm).

Identifier une dépendance aux réseaux sociaux

Instagram, TikTok, Facebook… Les réseaux sociaux génèrent un phénomène de dépendance via le besoin de se connecter, de “liker”, d’obtenir des réactions ou des notifications. Les signes avancés d’addiction aux réseaux sociaux sont :

  1. Vérification compulsive des notifications, même en pleine nuit.
  2. Sensation de vide ou d’anxiété lors des périodes sans connexion.
  3. Baisse de la concentration, difficulté à se détacher du téléphone.
  4. Comparaison sociale excessive, baisse de l’estime de soi.
  5. Négligence des activités hors ligne, isolement progressif.

Une enquête IPSOS 2022 montre que les 15-24 ans passent en moyenne 3h24 par jour sur les réseaux, et 58% d’entre eux disent avoir du mal à s’arrêter (IPSOS).

Le travail peut-il devenir une addiction ? Comment la reconnaître ?

L’addiction au travail, ou « workaholisme », se traduit par une implication chronique, volontaire, mais s’accompagne d’anxiété, de surmenage, voire de troubles médicaux. Elle touche environ 10% des actifs, souvent des personnes investies dans des métiers à forte exigence ou valorisant la performance.

  • Incapacité à se détendre ou à couper, même pendant les congés.
  • Tendance à négliger la famille, les loisirs, la santé pour le travail.
  • Surcharges horaires, sentiment de culpabilité lors des pauses.
  • Apparition de troubles du sommeil, anxiété, problèmes relationnels.

Le workaholisme est reconnu depuis peu comme un véritable risque psychosocial, pouvant conduire à l’épuisement (« burn-out »), une dégradation de la santé mentale et même physique (Revue Médicale Suisse).

Le trouble du jeu vidéo : un nouveau chapitre dans la reconnaissance des addictions

Depuis 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnaît le « trouble du jeu vidéo » comme une addiction comportementale (OMS). Il s’agit d’un usage incontrôlé, persistant et répétitif du jeu vidéo, souvent en ligne, qui prend le dessus sur d’autres centres d’intérêt et obligations.

Les signes majeurs :

  • Perte de contrôle sur le temps et la fréquence de jeu.
  • Poursuite du jeu malgré les conséquences négatives sur la vie scolaire, professionnelle ou familiale.
  • Préoccupation persistante par le jeu au détriment des besoins fondamentaux (alimentation, sommeil).

Selon une étude de l’Université de Paris et Inserm, 2% à 5% des adolescents français présentent aujourd’hui un usage problématique du jeu vidéo (Inserm - Jeux vidéo).

Le sport : à quel moment l’engagement dérive-t-il en addiction ?

L’activité physique est généralement bénéfique, mais elle peut devenir addictive pour environ 3% à 5% des sportifs réguliers selon l’IRBMS (Institut de Recherche du Bien-être, de la Médecine et du Sport Santé). On parle d’addiction lorsque la pratique devient intrusive :

  • Pratique quasi quotidienne, besoin d’intensité toujours plus poussée.
  • Irritabilité, angoisse en cas d’impossibilité de pratiquer.
  • Déni des douleurs, blessures ignorées, persistance malgré les risques.
  • Vie familiale, sociale ou professionnelle reléguée au second plan.

Ce type d’addiction peut conduire à des troubles alimentaires, du sommeil, des lésions physiques ou de l’épuisement. Elle est souvent associée à la recherche de performance ou au besoin de contrôle de son image corporelle (IRBMS).

Mécanismes psychologiques impliqués dans la dépendance comportementale

Plusieurs facteurs expliquent la survenue d’une addiction comportementale :

  • Gratification immédiate : La pratique offre une récompense rapide (plaisir, endorphines, sentiment de réussite).
  • Échappement : L’activité permet d’éviter ou de contrôler des émotions négatives (stress, tristesse, solitude).
  • Tolérance : La personne doit augmenter la fréquence ou l’intensité pour obtenir le même effet.
  • Anticipation : La seule pensée de l’activité déclenche une excitation, un soulagement temporaire.

Des vulnérabilités individuelles entrent aussi en jeu : histoire d’anxiété ou de dépression, faible estime de soi, antécédents familiaux, impulsivité… L’influence de certains environnements sociaux (sollicitation marketing, exposition continue, pression des pairs) aggrave les risques (Sciences et Avenir).

Passion ou dépendance : comment faire la différence ?

Passion et addiction peuvent se ressembler mais s’opposent sur plusieurs points clés :

  • La passion enrichit la vie, apporte de la motivation, une ouverture aux autres. Elle reste contrôlable, intégrée aux autres activités.
  • L’addiction isole, génère du mal-être, une perte de liberté et le besoin de répéter l'activité malgré les conséquences.

Le critère essentiel reste la notion de perte de contrôle et l’impact négatif sur la vie quotidienne, qui doit alerter.

Que faire face à une addiction comportementale ? Les solutions d’accompagnement

La prise en charge repose le plus souvent sur une combinaison d’approches :

  • Consultation auprès d’un professionnel : Médecin, psychologue, addictologue. Certains dispositifs sont spécialisés (centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, plateformes jeunes consommateurs, etc).
  • Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : Méthode validée pour modifier les schémas de pensée et de comportement, efficace pour l’achat compulsif, le jeu pathologique, les addictions aux écrans.
  • Groupes de parole et d'entraide : Des associations proposent un soutien mutuel (Joueurs Anonymes, Debout les Achats...) pour sortir de l’isolement et partager son expérience.
  • Accompagnement familial : L’implication de l’entourage, formé à repérer les signaux d’alerte, permet d’agir précocement.
  • Prévention en milieu scolaire ou professionnel : Sensibiliser, informer, permettre le repérage précoce.

L’avancée des connaissances et la reconnaissance croissante des addictions sans substance permettent aujourd’hui une meilleure détection et une prise en charge plus adaptée. Sans culpabiliser, chacun peut s’informer, se faire accompagner et jouer un rôle auprès de ses proches.

Perspectives : agir ensemble pour des usages équilibrés

La société évolue vite, tout comme les pratiques qui peuvent conduire à des comportements addictifs. Miser sur la prévention, la sensibilisation et le dialogue reste une priorité partagée. Les addictions comportementales ne doivent pas être minimisées : les reconnaître, c’est permettre à chacun de retrouver un rapport plus libre et apaisé à ces activités du quotidien. Les initiatives locales et la mobilisation des réseaux sont des leviers précieux pour que la prise en charge soit accessible et respectueuse, tout en valorisant la diversité des parcours vers le mieux-être.

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